Nous sommes le 2 avril. On est arrivés au Labo hier après-midi et j’ai le sentiment ce soir, en me baladant parmi les bourgeons, d’avoir le coeur enfin complet. 5 ans. 1800 jours. Tous déposés dans cette parenthèse baptisée “Le Labo”.
Alors que je rentre chez moi, une foule de souvenirs me reviennent.
Je revois ce premier grand rendez-vous traiteur en novembre 2017 en l’honneur du papa de celui qui restera l’un de mes meilleurs conseillers. Pour ce jour-là, j’ai cuisiné pendant près de 60h, pour ces 2000 bouchées faites presque toute maison. J’ai déjà l’idée d’un buffet avec le moins de déchet possible. Tout dressé sur des planches en bois, avec les belles guirlandes de fleurs de Geneviève. Après un mois où je visualise ce buffet, tout est au bon endroit dans ma tête. Cela devrait bien se passer. David est déjà là. Il me briefe sur certains aspects techniques. Mais j’ai le trac d’un acteur qui monte sur scène pour la première fois. A 2h d’accueillir nos convives dans l’aula de ce théâtre qu’on adore, tout mon corps me lâche. Je suis incapable de tenir debout plus de 30 minutes sans être malade à nouveau. “C’est juste le trac”. Je me répète cette phrase comme un mantra en luttant pour tenir debout. Grâce à mon équipe chérie ce mandat se passe bien. Notre public est conquis et je suis émue aux larmes par cette réussite. Cette réussite qui lancera ce soir-là ma carrière de traiteur et me permettra 6 mois plus tard de consacrer ma vie à ce joli projet. (Pour la petite histoire il me faudra encore 2 ans pour apprendre à gérer ce trac et cela sera une grande victoire d’y arriver enfin… :))
Tandis que j’avance dans ma balade, je me rappelle de chaque détail de nos délicieux rendez-vous, du plus petit au plus grand. Comme j’aime venir à vous et échanger sur le sujet de ces mets qui vous régalent. Comme j’aime vous écouter me parler des projets que vous choisissez de nous confier. Je me rappelle que depuis le début je choisis de vous rencontrer. Je veux vous voir. Pour un gâteau, pour un repas au complet, pour un cours, pour un apéritif. Il n’y a qu’en regardant quelqu’un dans les yeux que l’on parle avec passion et que l’on peut s’accorder.
Comme j’aime ces souvenirs à vos côtés.
Je revois aussi ces semaines de pression et les lettres anonymes qui attaquent personnellement ce pour quoi j’ai mis une partie de ma vie entre parenthèse. Je les revois m’interpeller dans la rue en pleine nuit “ Alors la Cheffe, tu rentres du travail… “ proférant les mêmes insanités qu’on trouvait dans ces lettres. Je me revois enlever le nom sur ma porte et je me rappelle de la peur. J’intègre le fait que la jalousie et l’envie sont capables de rendre certains humains médiocres, mais je ne comprends pas. J’ai envie de tout arrêter et ils gagnent presque. Mais vous êtes là. Vos appels, vos petits mots, vos témoignages. Je trouve le courage de faire fi et je me bats parce que comme dirait mon amie Jo: « rien ne peut arrêter les jolis projets. »
J’arrive au terme de ma petite balade et je nous revois enfin Fred & moi arriver pour la première fois à l’intérieur de ce bâtiment Pesse qu’on aimait déjà tant. Je revois notre confiance et cette motivation sans faille qui nous ouvrira toutes les portes jusqu’au CEARC. Je nous revois partager 12 mois de travail intense sans jamais rechigner à la tâche. Je nous vois être là l’un pour l’autre durant nos instants de doute et je comprends qu’un associé c’est d’abord un allié, comme si on avait enfin de la force pour deux.
Et vous êtes dans chacun de ces souvenirs, comme les témoins d’une histoire qui se termine bien. Acteurs gourmands de ce rêve d’enfant, appelé le Labo. Amis épicuriens d’un projet qui ne s’arrête pas là.
Alors que je termine ma balade, je pense au team Labo, à cette équipe d’humains merveilleux qui portent aujourd’hui ce projet avec moi, je jette un oeil sur le soleil qui tombe le coeur enfin rempli de joie.
Juste avant de rentrer, j’ai levé les yeux au ciel et je lui ai demandé : et maintenant? On va où? La réponse est déjà là, dans le coin de ma tête qui fait mûrir les projets doux.
J’ai hâte de vous présenter la suite & je vous remercie beaucoup de nous avoir suivis jusqu’ici.
(crédits photo: David Boraley)